Le Centre national des ouragans américain (HNC) prévoit que l’ouragan majeur Fiona est sur le point de frapper les provinces Maritimes ce weekend, particulièrement l’est de la Nouvelle-Écosse, le Cap-Breton, l’ouest de Terre-Neuve et l’est du Québec. Cet événement, qualifié de « potentiellement violent » selon le bulletin d’Environnement et changement climatique Canada publié jeudi matin, produira des vents de force ouragan (dépassant les 120 km/h), de la pluie torrentielle et des vagues de plus de 10 mètres, pouvant causer d’importantes inondations, ondes de tempêtes, dommages structurels et pannes d’électricité. Le système s’approchera des côtes de la Nouvelle-Écosse dans la nuit de vendredi à samedi, puis traversera le golfe du St-Laurent durant toute la journée de samedi.
Les ouragans frappent les côtes de l’est du Canada à tous les 5 ans en moyenne. Ils ne sont donc pas exactement rares, mais nous avons toutefois pensé opportun d’en glisser quelques mots dans notre blogue, afin de sensibiliser nos lecteurs à un phénomène qui risque de se produire plus fréquemment dans les années et décennies à venir.
Qu’est-ce qu’un ouragan, au juste ?
Un ouragan est une gargantuesque machine thermique, un ogre qui se nourrit avec un appétit sans bornes de la chaleur des océans. En fait, puisque les océans contiennent une quantité de chaleur immense, c’est le seul endroit où ils peuvent se former, se dissipant rapidement dès qu’ils entrent sur la terre ferme.
Ainsi, un ouragan est un très grand « tourbillon » d’air de plusieurs centaines de km de diamètre dans lequel reste confinée une énorme quantité de chaleur. Cette chaleur est importante car elle entretient en retour la rotation de l’air en causant une chute de pression au cœur de l’ouragan. Or, le seul endroit contenant suffisamment de chaleur pour satisfaire l’appétit d’un ouragan est un océan dont la surface est à une température de 26-28°C ou plus. Il s’agit de températures si chaudes que les eaux de surface s’évaporent dans l’atmosphère de manière exponentielle.
L’évaporation est importante ici : tout comme la surface de notre peau se refroidit à la sortie d’une bonne baignade, la surface de l’océan se refroidit à cause de la chaleur qu’elle donne aux molécules pour leur permettre de s’échapper vers l’atmosphère.
Maintenant, toute cette vapeur va ensuite monter dans l’atmosphère et se recondenser en gouttelettes lorsqu’elles atteignent les nuages de l’ouragan. Cette condensation relâche la chaleur que l’eau évaporée avait emportée avec elle, alimentant l’ouragan de cette énergie dont il a tant besoin. Mais pour satisfaire celui-ci, il faut beaucoup de chaleur, donc beaucoup de vapeur d’eau, donc beaucoup d’eaux de surface très chaudes.
Si on résume :
- L’ouragan est un système d’air en rotation de plusieurs centaines de km de diamètre qui arrache par évaporation la chaleur des océans
- La chaleur accumulée dans l’air cause une baisse de pression au centre de l’ouragan
- La baisse de pression accélère la force des vents et la rotation du système
- Les vents renforcés alimentent encore plus l’évaporation
- La rotation renforcée confine davantage de chaleur
- La pression baisse davantage
- …et ainsi de suite.
L’ouragan Fiona
- Les toutes dernières simulations de l’atmosphère (par le modèle canadien de prévision numérique) indiquent que Fiona se dirige tout droit vers l’est de la Nouvelle-Écosse et le Cap-Breton. L’illustration à droite nous montre l’évolution dans le temps de la vitesse des vents de Fiona depuis tôt vendredi matin jusqu’à tôt dimanche matin. L’œil de la tempête devrait toucher terre à la hauteur du comté de Guysborough vers 5h samedi matin, avec des vents de force ouragan de catégorie 1 de 120-130 km/h, et des endroits isolés approchant le seuil de catégorie 2 de 155 km/h.
- Comme nous l’avons vu dans la section précédente, un ouragan se nourrit de quantité prodigieuses d’humidité, les accumulations totales de pluie associées à la tempête seront considérables : 100 mm et plus dans le centre et l’est de la Nouvelle-Écosse et la pointe sud-ouest de Terre-Neuve avec des régions de 150 mm et plus, approchant peut-être 200 mm.
- La figure de droite nous montre la probabilité que les vents atteignent force ouragan (120 km/h), selon le Centre national des ouragans américain (Hurricane National Center – NHC), à n’importe quel moment d’ici la fin de la tempête. Les endroits les plus touchés seront vraisemblablement l’extrême est de la Nouvelle-Écosse (et possiblement l’Île de Sable). Notez qu’il y a une probabilité non-négligeable de 30-40% que des vents d’ouragan frappent les Îles-de-la-Madeleine.
- Finalement, toujours selon le NHC, les vents de force « tempête tropicale » (vents de plus de 60 km/h) atteindront la côte dans la soirée de vendredi, puis Terre-Neuve et le golfe du St-Laurent dans la nuit de samedi.
C’est quoi au juste, une « probabilité » en météo ?
Le terme « probabilité » évoqué dans la section précédente mérite qu’on s’y attarde un peu. Depuis plusieurs années maintenant, dans les grands centres de prévision à travers le monde, les simulations numériques de l’atmosphère sont lancées plusieurs dizaines de fois de suite avec de légères différences dans les données de départ (on nomme ces simulations un « ensemble »). Ceci est dans le but précis de tester la robustesse de la prévision. Ainsi, dans le cas où beaucoup de simulations présentent à peu près le même scénario, nous pouvons avoir une bonne confiance que ce scénario se produira effectivement.
Un exemple : lorsqu’on dit qu’il y a une probabilité de 70% qu’il y ait plus de 30 mm de pluie à un endroit « X », cela signifie que dans 70% des simulations exécutées, la tempête a produit cette quantité de pluie, et que dans les 30% restants, la tempête en a produit moins (à cause, par exemple, d’une trajectoire légèrement différente). Nous dirions alors que nous avons un bon degré de confiance dans le scénario de 70%, et un faible degré de confiance pour le scénario de 30%, tout en se rappelant que ce dernier n’est pas impossible, seulement moins probable. Nous ne savons jamais ce que l’atmosphère « choisira » comme scénario au final !
En attendant notre prochain article, mijotez sur ceci lorsque vous rêvasserez sous les nuages : cette méthode de simulations multiples est le seul moyen objectif et non-biaisé qui permet au météorologue de se faire une tête sur la confiance ou non qu’il a envers sa prévision. On appelle cela les « prévisions d’ensemble ». Nous en reparlerons fréquemment dans ce blogue !